ENTRETIEN AVEC LES PYRAMIDES
Pyramides, avez-vous
Des cercueils, des sarcophages
Pour y poser un glaive dégainé,
Pour ensevelir et embaumer,
Avec ce glaive, notre vengeance,
Et la cacher pour plus tard ?
— Franchis nos portes avec ce glaive,
Nous avons ces cercueils, nous en avons.
Pyramides, avez-vous
Des cercueils, des sépultures,
Pour y déposer nos martyrs
En des linceuls embaumés,
Pour qu’au jour de gloire, chacun
Revienne entier au pays, même cadavre.
— Donne-nous ces hommes sans tache,
Nous avons ces cercueils, nous en avons.
Pyramides, avez-vous
Des cercueils, des lacrymatoires,
Pour y verser ensemble nos larmes et les soupirs
D’avoir perdu la terre de nos ancêtres
Et remplir les bords de la coupe
Des larmes de nos mères ?
— Entre ici, penche ton pâle visage,
Pour ces larmes-là, nous avons des lacrymatoires.
Pyramides, avez-vous
Des cercueils libérateurs
Pour y mettre une nation entière,
Grande, là sur sa croix, en majesté
L’étendre, l’endormir, la conserver,
Pour son jour de gloire ?
— Dépose là ton peuple, apporte du baume ;
Nous avons ces cercueils, nous en avons.
Pyramides, vous reste-t-il
Quelque cercueil vide,
Pour y déposer mon âme ?
Jusqu’à la résurrection de la Pologne ?
— Souffre, travaille ! sois vaillant,
Car ton peuple est immortel.
Nous ne connaissons que des morts,
Pour l’âme, nous n’avons pas de cercueil.
Traduit par E. M.